La souveraineté alimentaire – Partie 1 : l’origine

Je vous présenterai dans les prochains mois une série d’articles sur le système alimentaire. Pour le premier, je m’intéresse à l’origine de la souveraineté alimentaire, un concept mobilisateur et polysémique (ayant plusieurs sens) né il y 25 ans déjà.

La souveraineté alimentaire comporte de nombreuses couches de sens. © Tous droits réservés Laucolo

La souveraineté alimentaire comporte de nombreuses couches de sens. © Tous droits réservés Laucolo

Le concept de souveraineté alimentaire a été officiellement lancé par La Via Campesina (La voie paysanne en espagnol) en 1996. La Via Campesina (que je nommerai LVC pour la suite de l’article) se définit comme : « un mouvement international qui rassemble des millions de paysannes et de paysans, de petits et de moyens producteurs, de sans terre, de femmes et de jeunes du monde rural, d’indigènes, de migrants et de travailleurs agricoles ». Aujourd’hui, ce mouvement compte plus de 180 membres dans 81 pays, y compris au Québec avec l’Union paysanne et au Canada avec le National Farmers Union (Union Nationale des Fermiers).

Quels constats mènent à la création de la souveraineté alimentaire?

  • les paysan-nes du monde entier produisent nos aliments, mais vivent souvent dans un état de pauvreté et de dépendance face aux moyens de production (manque d’accès à la terre, aux semences, aux ressources naturelles, etc.)

  • la mondialisation et la libéralisation du commerce réglementées à l’OMC (Organisation mondiale du commerce) ainsi que l’industrialisation de l’agriculture ont de nombreux impacts négatifs sur les paysan-nes, la biodiversité et les systèmes alimentaires locaux

  • le concept de « sécurité alimentaire » popularisé dans les années 70 ne parvient pas à changer le système et combattre les inégalités

Face à ces difficultés, le mouvement LVC crée en 1996 un nouveau cadre : le droit à la souveraineté alimentaire.

Qu’est-ce que la souveraineté alimentaire?

Si l’on se fie à la définition de LVC, on entend par souveraineté alimentaire : le droit des peuples de contrôler chaque partie de son système alimentaire et d’en décider les politiques agricoles et alimentaires.

Pour La Via Campesina, la souveraineté alimentaire est un processus plus qu’une fin en soi.

 « Les organisations paysannes l’ont portée au niveau transnational pour proposer à l’humanité de repenser la manière dont nous organisons la production alimentaire et agricole, la distribution et le commerce, dont nous utilisons la terre et les ressources aquatiques, ainsi que la manière dont nous interagissons, échangeons et nous organisons. La souveraineté alimentaire n’est pas une série de solutions techniques immuables, ni une formule s’appliquant de la même manière à toutes sortes de situations ; il s’agit plutôt d’un « processus en action », une invitation pour que nous, les citoyen.ne.s, nous organisions et pensions ensemble à l’amélioration de nos conditions de vie et de notre société. » (ECVC, p.2)

Ainsi, la souveraineté alimentaire serait un processus par lequel un peuple se dote d’un système alimentaire qui répond aux besoins de ses citoyen-nes, qui remet du pouvoir dans les mains des agriculteur-rices, pêcheur-ses et artisan-es de l’alimentation et qui le fait sans nuire aux générations futures, ni à l’environnement, ni autres peuples ailleurs dans le monde.

Bien que le comment de la souveraineté alimentaire varie d’un endroit à l’autre, on retrouve à la base du concept, lorsque défini par La Via Campesina, certains points communs.

 La souveraineté alimentaire implique ou encourage généralement …

  • des changements systémiques

  • la décentralisation des pouvoirs (un rappel que l’alimentation est politique)

  • l’agriculture familiale

  • l’agroécologie (des méthodes de culture qui respectent l’environnement)

  • le droit à l’alimentation (la souveraineté alimentaire rappelle qu’une alimentation adéquate, suffisante et dont on contrôle les moyens de production n’est pas un privilège, mais un droit)

  • la citoyenneté alimentaire (notre relation aux aliments en tant qu’individus, citoyen-nes, communautés et peuples va au delà de notre pouvoir d’achat)

  • la prise en compte des liens et l’interdépendance entre l’alimentation, l’agriculture, les écosystèmes et les cultures (ce sont des enjeux internationaux : OMC, ententes de commerces internationales, entreprises multinationales, importations/exportations, aides internationales, etc. ET locaux)

Comme vous le voyez , la souveraineté alimentaire est multicouche! Le contexte de sa création tout comme ces propositions, à l’image du système alimentaire, sont complexes! Maintenant que nous avons fait ce survol, de nombreuses questions émergent...

  • quels liens peut-on faire entre la souveraineté alimentaire et la souveraineté des Premières Nations ou du peuple québécois? 

  • quelles sont les différences entre souveraineté alimentaire, autonomie alimentaire, sécurité alimentaire, droit à l’alimentation, etc.?

  • comment le concept de souveraineté alimentaire est-il arrivé au Québec et au Canada?

  • quels sont les intérêts et les objectifs des organisations influençant nos politiques agricoles et alimentaires au Québec, au Canada? Veulent-ils changer le système alimentaire actuel? 


J’ai déjà hâte de continuer à explorer avec vous la souveraineté alimentaire. N’hésitez pas à m’écrire si vous avez des questions ou des commentaires. À bientôt !

- Laurence

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Références

Desmarais, Aurélie Annette. « Globalization and the Power of the Peasants - La Via Campesina », Fernwood Publishing (2008) 

« La souveraineté alimentaire tout de suite ! – Guide sur la souveraineté alimentaire » European Coordination Via Campesina (en ligne) (2018)

Wittman, Hannah et al. « Food Sovereignty – Reconnecting Food, Nature and Community », Fernwood Publishing (2010)

Site web du Comité international de planification pour la souveraineté alimentaire (CIP)
Site web de La Via Campesina
Site web de l’ Union Nationale des Fermiers
Site web de l’Union paysanne